SPIRIT :
Spot5
stereoscopic survey of Polar Ice
Reference Images & Topographies
Le projet SPIRIT est une des contributions françaises
à l’année polaire internationale. SPIRIT est un des maillons de
l’ambitieux projet international GIIPSY
qui vise à coordonner l’action des différentes agences spatiales (NASA, ESA, CNES, JAXA…)
pendant la durée de l’année polaire. GIIPSY permettra des observations
multiples et complémentaires (grande diversité de capteurs) afin de mieux
comprendre le fonctionnement et la dynamique de la cryosphère polaire.
SPIRIT est donc la contribution française à GIIPSY.
Grâce à SPIRIT, les scientifiques vont disposer de modèles numériques de
terrain (MNT = représentation numérique de la topographie) et d’images de
référence pour étudier les évolutions passées et futures des glaces polaires en
réponse aux fluctuations climatiques. Pour atteindre ces objectifs, un
partenariat s’est établi avec Spot
Image afin d’assurer l’acquisition de couples stéréoscopiques
d’images SPOT5 pendant les deux années de l’année polaire
internationale (de mars 2007 à mars 2009). Ces couples d’images seront
ensuite traitées à IGN Espace pour en déduire des topographies grâce à des
protocoles bien établis (Bouillon et al., 2006). Le financement du projet SPIRIT est assuré par le CNES. Le LEGOS est le
responsable scientifique de ce projet. A ce titre, nous avons donc :
·
déterminé les
zones d’intérêts avec leur ordre de priorité
·
réalisé les
premières validations des produits SPIRIT
·
démontré les
intérêts glaciologiques de ces données
Ces trois points sont décrits plus en détail
ci-dessous et ont fait l’objet d’un article sous presse à
l’ISPRS Journal of Photogrammetry and Remote Sensing qui peut être
téléchargé ici.
La définition des
zones cibles pour ce projet a été menée en coordination avec la communauté scientifique
internationale puisque les données seront distribuées gratuitement à
l’ensemble des glaciologues impliqués dans des projets pour l’année
polaire internationale, API. Ces zones et leurs ordres de priorité sont
illustrés sur la figure 1. Cette sélection de zone prioritaire a été réalisée
grâce à une analyse approfondie de la littérature scientifique, aux mosaïques
MODIS (Scambos et al., 2007) et aux mosaïques InSAR de vitesse
de surface des glaciers (Rignot, 2006; Rignot and
Kanagaratnam, 2006). Notre objectif est de cartographier
l’ensemble des régions côtières des deux grandes calottes glaciaires
(Antarctique et Groenland) ainsi que toutes les autres masses glaciaires
(petites calottes et glaciers de montagne) des régions polaires.
Figure 1 : Définition des zones
cibles pour les acquisitions SPIRIT dans la région arctique (à gauche) et
péri-antarctique (à droite)
La figure 2 montre
la dernière mise à jour des acquisitions sans nuage obtenues dans
l’hémisphère Nord (entre juillet et octobre 2007) et dans
l’hémisphère Sud au cours de l’été austral (Décembre à Avril 2008).
La couverture est satisfaisante sur l’hémisphère nord (malgré un début
assez tardif des acquisitions) et, à mi-parcours de l’année polaire,
presque déjà complète sur l’Antarctique. Les cartes régulièrement mises à
jour peuvent être consultées sur http://www.spotimage.fr/web/1585-annee-polaire-internationale.php.
Figure 2 : Etat de
l’archivage par Spot5-HRS sur les régions polaires au 27 mars 2008.
Pour ces régions
polaires où l’on dispose de très peu de données in situ, le satellite laser altimétrique ICESAT est une précieuse
ressource pour valider les topographies grand champ déduites des images HRS.
Nous avons donc sélectionné 4 zones tests de l’hémisphère nord pour
lesquels l’IGN a produit des topographies/ortho-images à partir des
données SPIRIT. En parallèle, les données ICESAT ont été collectées auprès du
National Snow and Ice data Center. Une comparaison systématique des altitudes
est alors réalisée en extrayant par interpolation bilinéaire, l’altitude
HRS à la localisation précise de l’écho ICESAT. Ceci permet de
caractériser les biais systématiques et les écart-types dans les topographies
HRS. La figure 3 montre les histogrammes des différences d’altitudes
(SPIRIT – ICESat) pour le glacier du Jakobshavn Isbrae sur le côte Ouest
du Groenland. Sur ces zones de faible pente à la périphérie de la calotte
groenlandaise, le biais est faible (quelques décimètres) et les écart-types de
3 à 4 m seulement. Ce sont des résultats très encourageants que nous
synthétisons dans un article à soumettre prochainement (Korona et al., 2008). Les mêmes analyses ont pu être
reproduites sur les trois autres régions glaciaires (Canada, Alaska et
Spitzberg) et confirment l’excellente qualité des topographies HRS sur
les glaces (Table 1). La principale difficulté est la proportion importante de
pixels interpolés sur les zones hautes (dites d’accumulation) des
calottes polaires. La radiométrie très homogène de ces zones expliquent les
difficultés des corrélations (Berthier and Toutin, 2008).
Figure 3 : Evaluation de la
topographie SPIRIT sur le glacier Jakobshavn Isbrae sur le côte Ouest du
Groenland. La figure de gauche montre l’ortho-image HRS du 4 août 2007 et
la localisation des profils altimétriques
ICESAT (en bleu). La figure de droite est l’histogramme des
différences d’altitude entre les données HRS et les données ICESAT.
Ces validations vont
se poursuivre notamment pour confirmer/infirmer ces bons résultats dans
l’hémisphère Sud.
Table 1 : Evaluation des MNT
SPIRIT sur 5 sites de l’Arctique à partir de données ICESAT acquises
quelques mois auparavant. La moyenne, l’erreur (écart-type) et le nombre
de données utilisées pour établir ces statistiques sont fournis. La dernière
colonne renseigne sur le pourcentage des pixels du MNT pour lesquels la
corrélation a échoué et dont l’altitude a donc été estimée par
interpolation. Ces pixels sont exclus des statistiques lors de la comparaison
avec les données ICESat.
En parallèle aux
validations décrites ci-dessus, les premières analyses glaciologiques ont été
menées à partir des données SPIRIT. Ces analyses démontrent le fort potentiel
de ces données pour le suivi des glaces polaires et des premiers résultats
importants ont été obtenus pour le glacier du Jakobshavn Isbrae. Nous
détaillons donc ici deux résultats extraits de l’article (Korona et al., 2008) qui a été récemment soumis au
journal ISPRS Journal of Photogrammetry
and Remote Sensing.
Le champ de vitesse
du glacier groenlandais (figure 4) a été obtenue grâce à la corrélation de deux
images HRS acquises à 11 jours d’intervalle en utilisant des outils
publiés par ailleurs (Berthier et al., 2005). Cette carte nous montre que le
Jakobshavn Isbrae poursuit son accélération, débutée dans les années 90s (Joughin et al., 2004), et atteint aujourd’hui des
vitesses de plus de 15 km/an ce qui en fait le glacier le plus rapide du monde.
La mesure des vitesses des écoulements glaciaires n’est pas
l’objectif prioritaire du projet SPIRIT mais s’avère très
intéressante.
Figure 4 : Vitesse
d’écoulement du Jakobshavn Isbrae obtenue par corrélation d’images
Spot5-HRS.
Nous avons aussi pu
cartographier en détail les variations d’épaisseur du même glacier au
cours des quatre dernières années en comparant les MNT HRS de 2007 avec un MNT
ASTER de 2003 et des profils altimétriques ICESat réalisés en octobre 2003
(Figure 5).
Il est intéressant
de constater que les variations d’épaisseur correspondent à la zone
d’écoulement rapide du glacier émissaire. L’amincissement de ce
glacier n’est donc pas directement contrôlé par des processus climatiques
en surface (fonte, accumulation) mais est essentiellement lié à des
perturbations de la dynamique glaciaire.
Figure 5 : Variation de
l’altitude de la surface du Jakobshavn Isbrae obtenue par comparaison du
MNT HRS d’août 2007 avec des profils altimétriques ICESAT d’octobre
2003.
·
Une liste de publications faisant suite à ce projet est disponible ici.
·
Un workshop international a été organisé en avril 2010 à Toulouse. En suivant ce lien vous pourrez trouver
le programme et le PDF des présentations.
·
Pour
en savoir plus sur SPIRIT, obtenir ces données et suivre l’évolution des
acquisitions satellitaires, rendez vous sur le site Année Polaire de Spot
Image.
·
Pour
en savoir plus sur les activités de l’équipe cryosphère satellitaire au
LEGOS, rendez vous ici.
·
Le
partage des acquisitions satellitaires dans le cadre de l’année polaire
internationale a été l’occasion d’un reportage de Francine Buchi sur
TF1 à visionner ici :
·
Une
page consacrée à l’eau vue de l’Espace sur le site du CNES avec
notamment une interview à la chaîne parlementaire en marge du colloque du CNFG2
(http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/7018-l-eau-vue-de-l-espace.php).
Nous tenons à remercier
le CNES qui assure le financement de ce projet pour toute la durée de
l’année polaire. Merci également à Ted Scambos (NSIDC) et Eric Rignot
(JPL) qui ont mis leurs mosaïques (MODIS et INSAR) à notre disposition pour la
définition des zones cibles. Merci à l’ensemble des scientifiques qui ont
contribué à la définition des zones cibles de SPIRIT. Le programme GIIPSY permet lui une coordination
des efforts des différentes agences spatiales.
References
Berthier, E., &
Toutin, T. (2008). SPOT5-HRS digital elevation models and their application to
the monitoring of glacier elevation changes. A case study in North-West Canada
and Alaska. Remote Sensing of
Environment, 112(5), 2443-2454
Berthier, E., Vadon,
H., Baratoux, D., Arnaud, Y., Vincent, C., Feigl, K.L., Remy, F., &
Legresy, B. (2005). Surface motion of mountain glaciers derived from satellite
optical imagery. Remote Sensing of
Environment, 95(1), 14-28
Bouillon, A., Bernard,
M., Gigord, P., Orsoni, A., Rudowski, V., & Baudoin, A. (2006). SPOT 5 HRS
geometric performances: Using block adjustment as a key issue to improve
quality of DEM generation. Isprs Journal
of Photogrammetry and Remote Sensing, 60(3), 134-146
Joughin, I.,
Abdalati, W., & Fahnestock, M. (2004). Large fluctuations in speed on
Greenland's Jakobshavn Isbrae glacier. Nature,
432(7017), 608-610
Korona, J., Berthier,
E., Bernard, M., Remy, F., & Thouvenot, E. (2008). SPIRIT: Spot 5
stereoscopic survey of Polar Ice: Reference Images and Topographies during
International Polar Year. Isprs Journal
of Photogrammetry and Remote Sensing, Soumis.
Rignot, E. (2006).
Changes in ice dynamics and mass balance of the Antarctic ice sheet. Philosophical Transactions of the Royal
Society a-Mathematical Physical and Engineering Sciences, 364(1844),
1637-1655
Rignot, E., &
Kanagaratnam, P. (2006). Changes in the velocity structure of the Greenland ice
sheet. Science, 311(5763), 986-990
Scambos, T.A., Haran,
T.M., Fahnestock, M., Painter, T.H., & Bohlander, J. (2007). MODIS-based
Mosaic of Antarctica (MOA) Data Sets: Continent-wide Surface Morphology and
Snow Grain Size. Remote Sensing of
Environment, 111, 242–257